création: "Suivi de"

« Les actions d’une jeune femme dans un endroit fictif et dans un espace-temps fictif  ou Récit réaliste » suivi de « L’inquiétante et étrange étrangeté dans un endroit donné, humide et éclairé en jaune ou Récit onirique » suivi de « La frappante combinaison de sens dans un endroit donné en compagnie d’un étrange personnage ou Récit de rêve »


Les actions d’une jeune femme dans un endroit fictif et dans un espace-temps fictif  ou Récit réaliste:
Une femme se tient debout sur un quai de gare, les railles derrière elle et la bâtisse devant. Elle agit comme quelqu’un qui ne demande où il est, mais ne semble cependant pas avoir peur ou être inquiète. Du moins, aucune expression négative ne se voit sur son visage qui reste neutre. La femme est bien droite et serre la poignée d’une petite valise dans sa main gauche. Elle porte une robe fleurie orange, jaune et rose ainsi qu’un par-dessus de laine bleu marine. Le vent léger s’engouffre sous sa jupe, faisant ainsi de temps en temps gonfler celle-ci. La femme bouge, rapproche les pans de son chandail et croise les bras. Ses épaules sont maintenant un peu roulées vers l’intérieur.
Elle se retourne, sans se presser et cherche quelque chose des yeux. Elle repère un banc, prend sa valise et va s’y assoir. Elle recroise les bras sur sa poitrine et observe la bâtisse qui se trouve devant elle.
Une vieille bâtisse de brique rouge, encore solide, mais qui date un peu.  L’édifice est fait en arche et deux pilons de brique s’y insère de chaque côté pour donner de la solidité. Une grande porte ronde fermée et en bois se trouve au milieu et juste au-dessus, une horloge est éclairée par derrière, donnant ainsi l’impression d’être blanche et lumineuse. Les grandes aiguilles noires tournent lentement, indiquant maintenant 2h46. 
Il n’y a personne dans les parages, à part la femme de tout à l’heure, qui est toujours assise sur le banc. Il a plu très récemment; les flaques d’eau sont stagnantes et la lumière jaune des réverbères se reflète partout où c’est mouillé. L’atmosphère est très humide et la brume a légèrement envahit l’espace. Les poubelles, les grilles, les réverbères et le pavé sont droits, silencieux et neutres dans la lumière tamisée de cette heure tardive.
  Un sac de plastique claque au vent et un chat passe d’un pas pressé, mais la femme ne le remarque pas du tout. Elle continue d’observer la bâtisse de briques rouges pendant un petit instant pis détourne le regard.

L’inquiétante et étrange étrangeté dans un endroit donné, humide et éclairé en jaune ou Récit onirique:
Elle cligne et la conscience revient clairement dans ses yeux qui paraissaient ailleurs il n’y a que quelques secondes de cela. Mais-où se trouve-t-elle donc? La jeune femme ne reconnaît pas l’endroit où elle se trouve. Debout, bien droite, une seule petite valise à la main elle scrute le paysage qui l’entoure. Elle n’a pas peur, mais tout de même, elle se demande comment et quand elle s’est retrouvée ici, elle qui n’est jamais dans la lune, ou du moins jamais assez pour perdre le fil de ses actions.
 La femme a remarqué dès le début qu’il avait probablement plu récemment ici; la lumière jaune des lampadaires se reflète sur le pavé de briques mouillé et l’air est humide. Il n’y a personne dans les rues et seul le vent anime les objets qui l’entourent, le son d’un sac de plastique se fait entendre, il sonne un peu comme le claquement des drapeaux qui flottent au vent, mais en plus aigu. Il n’y a personne et l’endroit est éclairé comme dans les films, il fait humide et le brouillard embrume l’espace. La femme a un peu froid, elle ramène les pans de son chandail de laine près de son corps et croise les bras sur sa poitrine. Vus la valise qu’elle tient sans ses mains et les traques de chemin de fer derrière, elle se dit qu’elle est probablement dans une gare de train.
Le bâtiment en face d’elle est magnifique, un peu lugubre, mais magnifique. C’est la façon dont il est éclairé, la lumière vient du côté et lui donne vie. Un gros bâtiment de brique rouge avec une arche et une porte ronde au milieu. Il y a deux fenêtres perchées haut dans l’arche et une grosse horloge en plein centre de l’édifice. Il est tard, l’heure à laquelle tout le monde dors.
C’est drôle, on dirait que la bâtisse a un visage, elle deux grands yeux carrée, un nez rond qui indique l’heure et une bouche par en bas. La femme se demande ce qui peut bien la rendre si triste. Peut-être qu’elle n’aime pas être un édifice ou être seule toute la nuit. Elle n’aime peut-être pas qu’il lui ait plu sur la tête. La femme pense : « Elle a vraiment l’air d’avoir quelque chose de vivant cette bâtisse ».
Soudain, elle se sent mal de dévisager ainsi le visage dans l’édifice, ça fait déjà très longtemps qu’elle la regarde et la scrute. La femme détourne le regard, voit un banc et s’y assoit. Peut-être devrait-elle demander pardon d’avoir regardé avec autant d’insistance?
Les aiguilles de l’horloge continent à avancer lentement et la conscience dans les yeux de la femme est repartie. Elle n’est pas morte, simplement dans ses pensées.  

La frappante combinaison de sens dans un endroit donné en compagnie d’un étrange personnage ou Récit de rêve :
Je suis dans un endroit que je ne connais pas. Il fait nuit noir et il n’y a personne en vue. Je sais qu’il a plu récemment; l’éclairage jaune des réverbères me heurte l’œil en se reflétant sur le pavé mouillé. Parfois, les zones non éclairées se mettent à empiéter sur les zones éclairées; la limite entre le jaune et le noir ne cesse de se mouvoir, comme la respiration d’un très gros chat, lente, régulière. Le brouillard dissimule les objets et le ciel est gris très foncé, la pollution atmosphérique et lumineuse lui confère une couleur étrange, comme celle des oiseaux-lunettes gris que j’avais étudié à l’école.  Tout est droit et silencieux, seul un sac de plastique claque au vent. Ma robe vole et frôle doucement mes jambe, elle est douce. Je ne reconnais pas cette robe, mais je l’aime bien. J’aime la robe et le pardessus de laine que je porte, ils sont doux sur ma peau.
Apparemment je viens de débarquer d’un train. Il n’est plus là, mais je me tiens debout, droite, dans un endroit qui me semble être un quai de débarquement. Devant moi, l’imposante gare me dévisage. Elle se demande ce que je fais là, seule, nantie d’une petite valise et droite comme un pic devant elle. Je m’entends lui répondre que je ne sais pas, mais de ne pas s’en faire pour moi, que je ne suis pas perdue et que je n’ai pas peur. Ses grands yeux perchés hauts dans l’arche sont à demis fermés, ce qui lui donne  une mine suspicieuse, mais elle ne me répond pas. Je repère un petit banc près de moi, je m’y assoit et place ma valise à mes côtés. Je demande à la gare si ça fait longtemps qu’elle est là.
« Près de cent cinquante ans bientôt.
-          Vous devez en avoir vu passer des gens.
-          Oui, assez, et de toutes sortes. 
Je suis impressionné, les yeux grands et la bouche entrouverte. Je retiens les pans de ma robe qui vole au vent. Je me tais pour un moment et la gare aussi.
            Après un petit temps je demande :
« Monsieur, y a-t-il un moment que vous préférez dans votre journée?
-Oui, durant la nuit, comme maintenant, j’aime que le vent froid souffle les joins entre mes briques. »
Je me tais, pas certaine d’avoir saisi. Moi je préfère le matin, on entend les oiseaux et on peut sentir la rosée s’évaporer. Parfois on peut même entendre les voisins se réveiller. La gare aussi reste silencieuse. Les aiguilles du grand nez rond et lumineux de la gare continuent à avancer lentement, marquant le temps qui passe.    


Réflexion critique :
Il existe un style littéraire, soit le récit de rêve, très près du style onirique, mais qui possède néanmoins ses propres caractéristiques. Je n’ai pas eue l’occasion d’élaborer sur ce style dans mon volet analyse. J’ai donc choisit d’exploiter ce style littéraire dans mon volet création.
J’ai donc écrit trois récits qui proposaient exactement la même histoire, mais en faisant en sorte que la forme se rattache à la forme du réalisme, de l’onirisme et du récit de rêve. J’y suis parvenue en m’imposant des contraintes qui se rattachaient aux différents styles choisit. Par exemple, pour le récit réaliste, je me suis concentrée sur des descriptions très détaillées du paysage et j’ai mis en place un narrateur très présent et donc, je n’ai pas donné beaucoup d’impressions du personnage. Pour l’onirisme, je me suis contrainte à ne pas trop détailler le paysage ou alors à le faire à l’aide de métaphores ou de comparaisons qui se rattachaient aux objets de la vie courante. J’ai également réduit la présence du narrateur et augmenter la fréquence des impressions du personnage. Pour le récit de rêve, je me suis contentée pour décrire le paysage de façon très flou en utilisant des métaphores et des comparaisons.
Le récit de rêve ne se contentent pas seulement de, comme l’onirisme, emprunter l’ambiance du rêve, mais intègre aussi les aspects qui se rattachent plus au fond du texte. Par exemple, dans le style onirique on préconise l’incertitude entre le réel et l’irréel alors que dans le récit de rêve, le lecteur est certain de lire un récit de rêve, que ce soit par le fait que le personnage le mentionne clairement ou par la présence d’évènements, de personnages ou d’actions irréelles.
L’objectif que je visais en réalisant cette création était d’illustrer ma précédente analyse; de montrer concrètement au lecteur les différences entre un récit réaliste, onirique et de rêve.
Cette création reflète bien comment un québécois peut écrire un texte léger, sans être toute fois ennuyant; comment l’on peut avoir notre propre style d’écriture en s’inspirant de la littérature japonaise dont la légèreté ne peut qu’influencer en bien les autres styles.